Un de mes anciens clients est venu me consulter. J’ai défendu sa mère il y a une dizaine d’années, je l’ai défendu devant le Conseil de Prud’hommes voici plusieurs années aussi.

Sa première expérience professionnelle a été difficile, violente et décevante.

Sa première expérience avec l’engagement et la citoyenneté a été violente également.

Emmanuel alias Manu (je le prénommerai ainsi) manifeste pour la première fois le 1er décembre 2018, il est séduit par le mouvement des gilets jaunes qui portent sa voix, la voix d’un jeune de moins de 30 ans, précaire, intérimaire, travailleur pauvre et invisible, victime de la violence sociale banale et banalisée.

Manu n’a jamais voté. Il souhaite faire entendre sa voix ce samedi 1er décembre en manifestant à Bordeaux.

Il est au cœur du mouvement populaire, Place Pey-Berland, entre la Mairie et la Cathédrale.

Les bombes lacrymogènes sont lancées, tout va très vite, des manifestants s’agitent, veulent rentrer dans la Mairie, déplacent des barrières de sécurité.

Les policiers, CRS « tirent dans le tas » avec des Flasballs.

Manu qui est pacifiste, ne participe pas au retrait des barrières.

Il est blessé par quatre impacts dont un au cou et au poignet.

Il consulte un médecin: 30 jours d’ITT. 

Naïvement il se rend au commissariat pour porter plainte contre les policiers… Ces derniers refusent de le recevoir, de l’auditionner et d’enregistrer sa plainte et l’invitent gentiment à repartir chez lui.

Beaucoup de manifestants mais aussi des journalistes ont été blessés par des tirs de Flasball, Médiapart rapporte qu’à Paris lors de l’acte IV du 8 décembre, 170 personnes ont été accueillies dans les Hôpitaux, victime de tirs de Flasball.

Médiapart décrit les blessures, la catégories des victimes, jeunes, vieux, journalistes. Ainsi, une dame de 70 ans a été blessée:


Laurent Bortolussi est témoin d’un tir qui a touché une dame de 70 ans, près de lui. « Ce tir est absolument incompréhensible, raconte-t-il. Elle était clairement la cible. Je regardais en direction des policiers. Et j’ai vu le tir partir de ce groupe et la percuter, et je l’ai vue hurler. À ce moment-là, je suis un peu pris à partie par la foule qui me dit de filmer ce qui se passe. Cette dame avait un gilet jaune, elle était appuyée contre un poteau, mais du fait de son âge, elle n’était ni violente, ni véhémente. Ce tir n’avait aucune nécessité de maintien de l’ordre. Il n’avait aucune justification. »


Je vais déposer plainte auprès du Procureur de la République dans l’intérêt de Manu, saisir la juridiction administrative pour mettre en cause la responsabilité de l’Etat afin qu’il soit indemnisé (sur ce point, l’Etat a été condamné par la CAA de Nantes le 5 juillet 2018, N° 17NT00411- condamnation à verser à un lycéen une somme de 86 400 euros)

L’utilisation des Flasballs a été condamnée par le Défenseur des Droits.

C’est une arme dangereuse,son usage est réglementé, il doit s’effectuer en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée.

Or, pour le cas de Manu, cette violence n’était pas nécessaire et loin d’être proportionnée, il a été touché par 4 balles !

Manu s’est rendu seul à la manifestation, aucun témoin de la scène, il était à côté d’un homme de 60 ans qui a reçu quant à lui une balle dans la mâchoire qui laissera sans doute des traces indélébiles.

Il existe certainement d’autres Manu, victimes à Bordeaux de ces violences.

L’union faisant la force, il serait utile pour nous avocats bordelais des « Manu » de s’unir sur une action collective contre l’Etat pour obtenir une juste réparation du préjudice subi par ces victimes de fautes de l’Etat et de ses agents de service public.

A lire aussi: article du Monde, l’usage risqué du flasball lors des manifestations.