J’avais publié un billet sur les indemnités de précarité dues aux praticiens hospitaliers: Indemnité de précarité et praticiens hospitaliers contractuels.

Depuis 2010, les praticiens hospitaliers qui cumulent souvent les contrats à durée déterminée avaient droit à une indemnité de précarité ( l’article R6152-402 du code de la santé publique, ancien (désormais abrogé).)

Beaucoup d’hôpitaux ne payaient pas ces indemnités de précarité et souvent les praticiens ne savaient pas qu’ils y avaient droit. Ils se « réveillaient » parfois un peu tard après le délai de prescription quadriennale… Toutefois, beaucoup devaient engager des actions en justice pour obtenir ces indemnités prévues par la loi.

Ces indemnités représentaient 10% du total des salaires versés, salaires souvent importants, les praticiens hospitaliers contractuels  peuvent percevoir des salaires de 4500 euros bruts jusqu’à 6000 voire 7000 euros bruts.

Cette disposition inscrite dans le code de santé publique dérangeait très certainement les directeurs d’hôpitaux, surtout lorsque qu’elle commençaient de plus en plus à être connue.

Il ne va pas sans dire que les Hôpitaux ont dû payer et très certainement cher puisqu’ils abusent de ces contrats précaires renouvelés sans cesse. Les praticiens se fatiguent car ils ne sont pas toujours titularisés et sont dans une incertitude constante, le renouvellement n’étant pas acquis.

La précarité de ces contrats est certaine, elle est liée au statut, le contrat à durée déterminée qui ne permet pas de faire des projets d’avenir, peu importe que les praticiens hospitaliers soient bien payés.

Ce statut qui a été reconnu précaire par le législateur en 2010 , ne l’est plus pour le gouvernement en  2022 qui a pris un certain nombre de décrets quasiment en catimini (attaché à la loi sur la réforme du système de santé de 2019) qui réforment le statut du praticien hospitalier contractuel et le prive d’indemnités de précarité car les conditions pour les obtenir ne seront jamais ou presque jamais réunies pour la majorité des praticiens.

Seuls les praticiens ayant un petit échelon et une petite ancienneté pourront prétendre à ces indemnités. Or, les contrats sont souvent renouvelés et rares sont les praticiens qui restent à un petit échelon et qui sont payés « au minimum », surtout que les contrats sont actuellement très négociés.

Quelles sont les nouvelles conditions pour obtenir des indemnités de précarité ?

L’article R6152-375 du code de la santé publique issue du décret du 5 février 2022 dispose: « Lorsqu’au terme du contrat, la relation de travail n’est pas poursuivie, le praticien contractuel a droit à une indemnité destinée à compenser la précarité de sa situation. »

Cependant, l’arrêté du 5 février 2022 relatif à l’indemnité de précarité ajoute des conditions pour l’obtention de cette indemnité destinée à compenser la précarité de la situation:

article 1er: « Le montant brut de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article R. 6152-375 du code de la santé publique est égal à 10 % du total des émoluments bruts visés au 1° de l’article R. 6152-355 du même code, dus au titre du contrat en cours. Cette indemnité n’est pas soumise à cotisations IRCANTEC.

Dans le cas où le praticien contractuel bénéficie d’émoluments bruts annuels supérieurs de 30 % au seuil minimum prévu à l’annexe XX de l’arrêté du 15 juin 2016 susvisé, cette indemnité n’est pas attribuée. »

Le diable se cache dans les détails, quel est ce montant minimum qu’il ne faudra pas dépasser de 30% ? Il est aujourd’hui d’un montant de 39 396 €, 30% de dépassement cela signifie que le praticien hospitalier contractuel ne devra pas bénéficier de revenus d’un montant supérieur ou égal à 51 214, 80 euros bruts soit 4267,90 euros bruts par mois. Or, le salaire d’un praticien contractuel peut aller jusqu’à 6629 euros bruts par mois tout dépend de l’échelon et de l’ancienneté. Les praticiens qui sont venus me consulter bénéficiaient de revenus supérieurs à 4267,90 euros bruts par mois. Par exemple, au bout de 2 ans avec l’échelon 9 , leurs revenus sont d’un montant de 5079 euros à plein temps.

Aussi, ces nouvelles conditions d’attributions de cette indemnité de précarité permettront aux Hôpitaux de faire d’importantes économies.

D’autres conditions ont été introduites dans ce décret qui permettront aux Hôpitaux de ne pas payer ces indemnités de précarité:

  • les conditions classiques de l’article L1243-10 du code du travail (conclusion d’un contrat à durée indéterminée ou rupture anticipée à l’initiative du salarié ou pour faute grave)

 

  • une condition ajoutée par l’arrêté du 5 février 2022 précité: Lorsque le praticien est inscrit sur la liste d’aptitude au concours national de praticien hospitalier des établissements publics de santé et qu’il ne postule pas sur un poste ouvert dans son établissement et dans sa spécialité.

 

Quand est-ce que le décret s’applique et quelles sont les praticiens encore soumis à l’ancien statut ?

Les contrats soumis à l’ancien statut sont ceux conclus avant le 7 février 2022 (date de publication du décret). Pour ces derniers, les praticiens contractuels hospitaliers ont tous droit à l’indemnité de précarité quelque soit leurs revenus.

Aussi, si vous avez conclu plusieurs contrats de praticiens contractuels avant cette date, il est encore temps d’agir surtout si ces contrats datent de moins de 4 ans, par exemple, vous avez conclu plusieurs contrats durant 4 ans à compter du mois de mars 2018, il faut agir vite et réclamer vos indemnités de précarité si elles ne vous ont pas été versées. La prescription commencera en janvier 2019, pour expirer le 31 décembre 2023 à minuit.

Conclusion.

On pourrait penser que les Hôpitaux sont les grands gagnants de cette réforme passée inaperçue.

Ces indemnités de précarité ont pour but d’indemniser une situation précaire et de dissuader les recours abusifs aux contrats à durée déterminée.

Cette réforme ne dissuadera pas les Hôpitaux à recourir à de tels contrats.

Il suffira pour eux de rémunérer leurs praticiens contractuels un peu au dessus du seuil permettant de prétendre à de telles indemnités et le tour est joué.

Même si cette réforme permet de faire des économies à l’Hôpital, en réalité, ce dernier est bien le grand perdant, de moins en moins de médecins voudront travailler à l’Hôpital avec de tels contrats qui deviendront encore plus fréquents et sans indemnisation de la situation de précarité dans lesquels ces contrats les placent (l’impossibilité de contracter des crédits constituent une précarité notamment).