De plus en plus de salariés me consultent car leur employeur a renoncé à l’application de la clause de non concurrence inscrite dans leur contrat de travail tardivement ou après le délai mentionné dans leur contrat de travail.

La période est difficile pour retrouver un emploi et ces salariés me consultent pour savoir quelles sont les conséquences dans l’hypothèse d’une telle renonciation tardive.

Qu’est ce qu’une clause de non- concurrence ?

La clause de non concurrence est une clause qui peut être insérée dans un contrat de travail pour préserver les intérêts de l’entreprise.

Cette clause, pour être valable doit être précise, limitée dans le temps, dans l’espace et elle doit prévoir une contrepartie financière. Elle doit être proportionnée.

Cette clause est une atteinte à la liberté du travail, c’est pourquoi elle est strictement encadrée.

Est-ce que l’employeur peut renoncer à cette clause de non concurrence ?

L’employeur et le salarié peuvent renoncer, tous les deux d’un commun accord à cette clause de non concurrence.

La renonciation unilatérale de l’employeur doit être prévue au contrat de travail.

Le plus souvent la clause de non concurrence est détaillée, elle prévoit la renonciation de l’employeur dans un certain délai après la notification de la rupture.

Si aucune renonciation n’est prévue, l’employeur devra recueillir l’accord du salarié pour renoncer à cette clause de non concurrence.

Si le salarié ne donne pas son accord, il sera impossible pour l’employeur de renoncer à cette clause et cette renonciation sera inopposable au salarié.

Que se passe-t-il dans l’hypothèse d’une renonciation tardive ou hors délai à cette clause de non concurrence de la part de l’employeur ?

Lorsque la renonciation intervient hors délai, l’employeur est, en principe, redevable de la contrepartie financière dans sa totalité.

Cass. soc., 15 mars 2006, n° 03-43.102, n° 651 F – P

Le salarié n’est pas tenu d’invoquer un préjudice.

Cass. soc., 24 janv. 2007, n° 04-47.864Cass. soc., 27 mars 2008, n° 07-40.195

De même, l’employeur qui renonce à la clause de non concurrence doit notifier le salarié dans un délai raisonnable.

La Cour de cassation a notamment jugé que :

« Mais attendu que la rupture d’un contrat de travail se situe а la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin ;

Et attendu qu’ayant constaté que la lettre de notification de la rupture avait été remise en main propre le 11 août 2004, la cour d’appel a exactement fixé а cette date la rupture, peu important que l’employeur ait différé la prise d’effet, et en a déduit а bon droit que la renonciation de l’employeur, le 13 août suivant, au bénéfice de la clause de non concurrence était tardive »

Cass. Soc. 14 octobre 2009 n° 08-44.052

La Cour d’appel de Pau a également décidé :

« Cependant alors que le contrat de travail а durée déterminée de Monsieur C. est arrivé а terme le 3 mars 2006, l’employeur a notifié а Monsieur C. la renonciation à la clause de non concurrence le 17 mars 2006.

Il n’est donc pas contestable que l’employeur a renoncé tardivement а l’application de la clause de non concurrence.

Réalisée hors délai, la renonciation est inopposable au salarié et ne produit aucun effet libératoire ; la contrepartie financière est due en totalité au salarié qui l’a respectée, sans que celui-ci n’ait а justifier de l’existence d’un préjudice »

Cour d’appel de Pau, 11 mai 2009 n° 07/01678

Enfin la Cour de cassation a jugé :

« Mais attendu qu’en l’absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation а la clause de non concurrence, l’employeur ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause que s’il libère le salarié de son obligation de non concurrence dans un délai raisonnable ; que ce délai court à compter de la date à laquelle il a connaissance de la rupture du contrat de travail а l’initiative du salarié »

Cass. Soc. 2 mars 2017, n° 15-26.691

Très récemment la Cour de cassation a jugé :

« La Cour de cassation juge qu’aux termes de l’article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture conclue entre un employeur et un salarié fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’autorité administrative. Elle en a déduit que le délai de quinze jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture dont dispose contractuellement l’employeur pour dispenser le salarié de l’exécution de l’obligation de non concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture. (Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-22.116, Bull. 2014, V, n° 35).

8. Elle décide également qu’en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires. (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-21.150, Bull. 2013, V, n° 72). Elle en déduit que l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 21 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.471, Bull. 2015, V, n° 3). Elle décide de même qu’en cas de rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (Soc., 2 mars 2017, pourvoi n° 15-15.405).

9. Ces solutions se justifient par le fait que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

10. Il en résulte qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.
11. Pour limiter à une certaine somme la contrepartie financière de la clause de non concurrence allouée à la salariée, l’arrêt retient que la convention de rupture n’a pas réglé le sort de la clause de non concurrence, de sorte que celle-ci demeurait applicable pendant une durée d’une année à compter de la rupture du contrat de travail intervenue le 5 mai 2015, que toutefois lorsque la salariée a demandé à l’employeur le versement de la contrepartie financière prévue au contrat de travail, au motif qu’elle ne l’avait pas déliée expressément de la clause, la société lui a répondu le 11 septembre 2015 qu’elle avait été relevée de son obligation de non concurrence à son égard depuis son départ. L’arrêt ajoute que dès lors, peu important que les délais stipulés au contrat pour la dénonciation de la clause par l’employeur n’aient pas été respectés, puisqu’il n’y a pas eu en l’occurrence de préavis, ni de licenciement, mais accord sur le principe et la date de la rupture, il est établi qu’à compter du 11 septembre 2015, la salariée a été informée de la volonté de l’employeur de renoncer au bénéfice de cette clause. L’arrêt en déduit que dans ces conditions, celle-ci n’est fondée à solliciter la contrepartie financière de son obligation de respecter la clause de non concurrence que pour la période du 5 mai au 11 septembre 2015.

12. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Cass.soc.26 janvier 2022, n°20-15.755

Dans l’hypothèse d’une renonciation tardive, si le salarié a respecté la clause de non concurrence, il pourra percevoir l’intégralité de la contrepartie financière, ce qui peut être une somme importante pour l’employeur.

La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt de du 21 octobre 2010 N° 09/04155 (Section B) a pu juger que

« En effet le contrat de travail prévoyait que la société pourra libérer le salarié de son obligation de non concurrence, et par voie de conséquence, du versement de la contrepartie financière dans les 15 jours calendaires du mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail du salarié.

En l’espèce, l’employeur a, par lettre du 30 juin 2008, écrit au salarié nous vous confirmons que lors de notre entretien préalable à votre licenciement du 14 avril 2008, nous avons levé la clause de non concurrence définie dans votre contrat de travail à l’article 12″.

Cette renonciation effectuée plus de deux mois après la rupture doit être considérée comme tardive et ne peut, donc, décharger l’employeur du paiement de la contrepartie financière dont le montant est de 20% du salaire brut mensuel de référence (1306,75 euros) pendant la durée de l’obligation de non concurrence (24 mois). »

Prenons un exemple:

Un salarié, cadre, dont les revenus sont d’un montant de 5500 euros net par mois est licencié. Son contrat de travail prévoit une clause de non concurrence qui s’applique durant 2 ans dans toute la Nouvelle Aquitaine. Une contrepartie financière de 60% du salaire net pendant toute la durée du respect de cette clause.

Il est prévu également que la renonciation à cette clause est possible dans les 15 jours suivants la notification de la rupture.

L’employeur renonce à la clause de non concurrence mais tardivement 17 jours après la notification du contrat.

Cette renonciation tardive lui coûtera cher. La contrepartie financière est de 60% du salaire net soit 3300 euros par mois, il devra donc régler au salarié pour deux ans de respect de cette clause, une contrepartie financière d’un montant de 24 X 33 00 = 79 200 euros.

En conclusion.

Si vous êtes salarié et que votre contrat de travail prévoit une clause de non concurrence, soyez vigilant à la rupture de votre contrat de travail sur la renonciation de votre employeur à cette clause. Si la renonciation est tardive et que vous respectez la clause de non concurrence, vous pourrez solliciter le règlement de la contrepartie financière.

Si vous êtes employeur, pensez à préciser une possibilité de renonciation à la clause de non concurrence et pensez surtout à respecter le délai pour y renoncer, à défaut cela peut vous coûter cher !