Mise à jour le 24 août 2025
Pourquoi la plaidoirie devant la Cour d’Assises est-elle cruciale ?
La plaidoirie devant la Cour d’Assises compte énormément. Tout simplement parce que les jurés n’ont pas le dossier « papier » : ils suivent l’audience, prennent des notes mais n’ont pas accès aux côtes du dossier.
Le rôle central de l’avocat aux assises
L’avocat devra non seulement prendre une place importante durant les débats devant la Cour d’Assises, mais pas uniquement : il devra aussi convaincre lors de sa plaidoirie pénale et reprendre tout ce qui s’est dit durant l’audience.
La plaidoirie est difficile : elle doit être à la mesure de la gravité des faits mais aussi à la mesure de l’accusé.
Plaider en droit devant des jurés profanes
Le droit semble être peu présent car les avocats s’adressent à des jurés qui ne le connaissent pas. Pourtant, quelquefois, on plaide aussi en droit devant la Cour d’Assises, notamment lorsqu’il s’agit de solliciter une qualification différente aux actes commis, plus favorable à l’accusé car la peine prévue est moindre.
L’essence du métier d’avocat
Plaider devant la Cour d’Assises, défendre celui qui est seul contre tous, défendre l’incompréhensible, trouver les mots… c’est cela aussi être avocat.
Cas d’étude : La plaidoirie de Me Michèle ARNOLD
L’affaire Mathurin-Paulin : un défi judiciaire
Me Michèle ARNOLD a su trouver les mots lorsqu’elle a défendu Jean-Thierry Mathurin, qui a tué avec Thierry PAULIN, des dames âgées.
Les faits
Leur modus operandi était tristement méthodique :
- Ils repéraient une vieille dame dans la rue
- La suivaient jusqu’à son domicile
- Pénétraient chez elle, la bâillonnaient et la torturaient avant de la tuer
- Toutes les victimes ont été dépouillées
Jean-Thierry Mathurin a confirmé les faits avoués par Thierry PAULIN, mais précisa que les actes de violence incombaient seulement à ce dernier.
Le procès historique de décembre 1991
Du 16 au 20 décembre 1991, le procès devant la Cour d’Assises a eu lieu. La Cour n’a jugé que MATHURIN car PAULIN était décédé en prison.
Une plaidoirie d’exception : extraits de Me ARNOLD
Source : Arts et Techniques de la Plaidoirie – Laurence Gratiot, Caroline Mécary, Stefan Bensimon, Benoît Frydman et Guy Haarcher – édition LITEC – 2ème édition p 37
L’acceptation de la culpabilité
« N’ayez crainte, Monsieur l’avocat général, je n’éluderai rien, je n’esquiverai rien, ni le Destop, ni la déchéance, ni la responsabilité, ni les détails abominables. Pas une seconde, je n’ai l’intention d’attribuer à PAULIN, à la société ou au destin ce qui est la faute, la terrible faute, de Jean-Thierry MATHURIN. MATHURIN est coupable, MATHURIN a avoué. MATHURIN doit payer. MATHURIN veut payer. »
La stratégie de défense : préserver l’humanité
« Il a avoué et il veut payer justement parce qu’il n’est et ne veut pas être un monstre à vos yeux, à ses propres yeux, ni pour sa mère. »
L’engagement personnel de l’avocate
« Je déteste plus que quiconque, plus viscéralement que quiconque les faits terribles dont j’ai à parler. Il ne tenait qu’à moi de refuser ou de délaisser ce dossier. Si je l’ai accepté, c’est sans fascination. J’ai d’ailleurs refusé d’assister Thierry PAULIN. »
La phrase qui a motivé la défense
« J’ai accepté de défendre Jean-Thierry MATHURIN à cause d’une phrase, une phrase qu’il a dite devant Monsieur P, et que vous avez entendu hier : « Je vous ai dit l’entière vérité. J’ai conscience que je ne me suis pas comporté comme un être humain. Je répète que je me suis confié de ces agressions, et encore en partie, uniquement à ma mère. C’est par peur que je ne me suis pas livré à la police. » »
L’issue du procès
Jean-Thierry MATHURIN a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 18 ans.
Les enseignements de cette plaidoirie
Cette plaidoirie exemplaire de Me Michèle ARNOLD illustre parfaitement les défis de la défense pénale aux assises :
- Accepter la réalité des faits sans chercher à les minimiser
- Préserver l’humanité de l’accusé malgré la gravité des actes
- S’adresser aux jurés avec sincérité et authenticité
- Trouver l’angle de défense dans les aveux même de l’accusé
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