Article mis à jour le 10 août 2025
Il arrive qu’un conflit profond oppose les parents d’un enfant à leurs propres parents, sur fond d’histoire familiale douloureuse.
Dans certains cas, les relations sont si tendues que les grands-parents ne sont même pas informés de la naissance de leurs petits-enfants ( J’ai défendu des grands parents qui ont appris la naissance de leur petite-fille par hasard et qui ont engagés la procédure alors que cette dernière était âgée de 6 ans).
Parfois, c’est un divorce ou une séparation qui déclenche ou aggrave la rupture des liens familiaux.
Dans tous ces cas, une question se pose : comment des grands parents peuvent voir leur(s) petit(s) enfant(s) et leur transmettre leur histoire familiale ?
Le cadre juridique : l’article 371-4 du Code civil
L’article 371-4 du Code civil précise que :
L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit.
Autrement dit, le juge aux affaires familiales (JAF) ne statue pas en fonction d’un “droit des grands-parents” mais de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Si le juge estime que ce lien est bénéfique, il fixe les modalités des relations (visites, hébergement, échanges téléphoniques ou par courrier, appels vidéo…). Ce principe vaut aussi pour d’autres tiers importants dans la vie de l’enfant (beaux-parents, anciens beaux-pères/mères…).
En pratique, même si la formulation de l’article pourrait laisser penser que seule l’initiative de l’enfant permet de mettre en place ce lien, la jurisprudence confirme que les grands-parents peuvent eux-mêmes saisir le juge.
Dans la grande majorité des affaires, ce sont d’ailleurs eux qui sont à l’origine de la procédure.
Pourquoi ? Parce que les parents disposent du pouvoir de s’opposer concrètement à ces relations. Lorsque le dialogue est rompu, les grands-parents doivent passer par une décision judiciaire qui s’imposera aux parents et leur permettra de revoir leur petit-enfant.
2. Quand le lien peut être refusé… ou maintenu
Des motifs graves peuvent justifier un refus de garder un lien ou d’en instaurer un
La jurisprudence reconnaît que ce lien peut être écarté si des motifs graves le justifient, par exemple un conflit aigu susceptible de perturber l’enfant :
En raison d’un conflit intense entre les grands-parents et la mère, il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant d’accorder un droit de visite (Cass. civ. 1, 13 décembre 1989, n°87-20205).
La Cour de cassation contrôle la motivation du jugement qui doit être centrée sur l’intérêt de l’enfant.
Dans un arrêt du 8 juin 2016 (Cass. civ. 1, 18 juin 2016,n°15-22.180), elle considéré que manquait de base légale un arrêt qui accordait au grand-père paternel de deux petits-enfants âgés de deux et cinq ans, la possibilité de les voir.
La mère avait produit un certificat médical montrant la souffrance psychologique des enfants après le décès récent de leur père, et expliquait qu’il n’était pas dans leur intérêt de se rendre dans un lieu inconnu pour voir un grand-père qu’ils ne connaissaient pas.
La cour d’appel n’ayant pas répondu à ces arguments et motivé son arrêt , la Cour de cassation a cassé la décision, rappelant que l’intérêt de l’enfant doit toujours être examiné avec précision.
Le lien peut être maintenu malgré les tensions
À l’inverse, certaines décisions confirment le maintien des relations, même dans un contexte familial difficile.
Dans un arrêt du 15 février 2023 (Cass. civ. 1, 15 février 2023, n°21-18.498), la Cour de cassation a validé l’octroi à des grands-parents paternels d’un droit de correspondance et d’accueil envers leurs trois petits-enfants, en précisant qu’une Cour d’appel avait légalement justifié son arrêt.
Objectif : éviter de couper irrémédiablement tout lien avec leur lignée paternelle, alors même qu’aucune relation n’existait entre la mère et ses beaux-parents. La Haute juridiction rappelle ainsi que les parents ne peuvent pas entièrement choisir les personnes de l’entourage de leurs enfants lorsque l’intérêt de ces derniers commande de préserver un lien familial.
La Cour d’appel de Bordeaux a également rendu, le 6 octobre 2015 (6e ch. civ., n°14/01158), a estimé qu’aucun fait ni motif grave ne justifiait de priver deux enfants de leurs grands-parents paternels, même si la distance géographique compliquait les rencontres.
Les juges ont relevé la qualité des liens d’affection et de confiance réciproque, confirmée par une enquête sociale et plusieurs témoignages concordants, et ont fixé un droit de visite et d’hébergement progressif :
pendant six mois, un samedi par mois au point rencontre ;
ensuite, un week-end par mois au domicile des grands-parents, ainsi que certaines périodes de vacances scolaires.
Enfin, le simple fait qu’un litige successoral oppose la mère aux grands-parents n’est pas suffisant pour couper tout contact :
L’existence de relations anciennes et suivies des enfants et de leurs grands-parents n’est pas contestée, comme ne peut être contesté l’intérêt des grands-parents pour les enfants de leur fils récemment décédé ; un litige d’ordre successoral opposant la mère et les grands-parents qui ne sont toutefois pas concernés par cette succession ne saurait constituer un juste motif de suspension de toute relation entre les enfants et les grands-parents ; Madame Z ne peut donc qu’être déboutée de son appel et le jugement confirmé en ce qu’il a posé le principe d’un droit de visite et d’ hébergement des grands-parents ; cependant, eu égard à l’âge des enfants, il convient de modifier les dates fixées par le premier juge ainsi qu’il sera précisé au dispositif du présent arrêt, les autres modalités prévues étant confirmées (absence de la compagne du père, frais de trajet) ; la reprise des contacts ayant déjà eu lieu dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance du conseiller de la mise en état, il n’est pas nécessaire de prévoir une nouvelle période de ‘reprise de contact’ comme le demande Madame Z ;
Cour d’appel de Bordeaux, 6ème Chambre, 27 mai 2014 n°RG 13/05106
3. La procédure pour maintenir ou établir le lien
La demande se fait par assignation, devant le Tribunal judiciaire (ex-TGI) du domicile de l’enfant, la procédure est écrite.
L’avocat est obligatoire : la représentation par un avocat est nécessaire pour saisir le Tribunal Judiciaire (juge aux affaires familiales) mais aussi pour se défendre (les parents de l’enfant devront obligatoirement constituer avocat)
Le Ministère public doit être informé : le Procureur de la République doit obligatoirement donner son avis (articles 425 et 1180 du Code de procédure civile).
Les éléments à prouver
Pour convaincre le juge, il faudra démontrer :
l’existence (ou la possibilité de créer) des liens affectifs avec l’enfant ;
le bénéfice que l’enfant retire de cette relation ;
la capacité des grands-parents à accueillir et s’occuper de l’enfant dans de bonnes conditions.
En revanche, si les relations n’ont jamais existé et que le conflit avec les parents est particulièrement intense, il sera plus difficile d’obtenir un droit de visite.
4. Une décision toujours au cas par cas
Les juges du fond sont souverains , chaque dossier est différent et sera analysé en fonction de la situation familiale et du degré de tensions ou de l’ampleur du conflit existant.
En résumé
Les grands-parents n’ont pas un “droit automatique” de voir leur petit-enfant, mais l’enfant a le droit de maintenir un lien avec ses ascendants.
La clé, devant le juge, sera toujours de prouver que garder ou créée un lien est dans l’intérêt de l’enfant.
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