Un salarié est licencié pour motif économique, par une lettre très peu motivée ( et c’est le moins que l’on puisse dire):

« Suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé le 13.10.2007 dans nos locaux, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour un motif économique.

En effet le licenciement est justifié par le manque d’activité de l’entreprise et ses déficits successifs »

Très légitimement la Cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes: la lettre de licenciement pour motif économique doit énoncer les difficultés économique de l’entreprise mais aussi les répercussions de ces difficultés économiques sur l’emploi du salarié licencié.

Ci-dessous l’arrêt:

Contact: cabinet@michelebaueravocate.com 33 Cours Pasteur- 33 000 BORDEAUX tél 05 47 74 51 50

CA Bordeaux

CH. SOCIALE SECT. B

15 septembre 2011

n° 10/05131

Texte intégral :

CA Bordeaux CH. SOCIALE SECT. B15 septembre 2011N° 10/05131

République française

Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2011

fc

(Rédacteur : Monsieur Jean Paul ROUX, Président)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 10/05131

Monsieur Stéphane B.

c/

Monsieur Jérémy F.

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 avril 2009 (R. G. n°F 08/288) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 15 juin 2009,

APPELANT :

Monsieur Stéphane B.

né le 15 Avril 1966 à LATRESNE (33360)

de nationalité Française,

demeurant … – Tabac Presse – 33360 CARIGNAN DE BORDEAUX

représenté par Maître Régine LOYCE CONTY de la SCP BLAZY et ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur Jérémy F.

né le 21 Décembre 1978

demeurant …

représenté par Maître Michèle BAUER , avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean Paul ROUX, Président de chambre,

Monsieur Eric VEYSSIERE, Conseiller,

Madame Katia S., Vice Présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT adjoint administratif, faisant fonction de Greffier,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

I. Saisine

1 – Monsieur Stéphane B. a régulièrement relevé appel le 15 juin 2009 du jugement qui, prononcé le 28 avril 2009 par le Conseil de prud’hommes de Bordeaux,

– a dit que le licenciement de Monsieur Jérémy F. est irrégulier dans la forme et abusif dans le fond,

– l’a condamné à payer à Monsieur Jérémy F. :

– la somme de 2.540,44 euros à titre d’indemnités de congés payés,

– la somme de 8.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement économique injustifié,

– la somme de 1.280,07 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

– la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

L’affaire a été radiée par arrêt en date du 13 janvier 2010 au visa des dispositions de l’article

381 du code de procédure civile,

Monsieur Stéphane B., qui a fait réinscrire l’affaire le 12 août 2010, sollicite, outre l’allocation de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, l’infirmation du jugement et le débouté de Monsieur Jérémy F. de toutes ses demandes,

2 – Monsieur Jérémy F. sollicite pour sa part, outre l’allocation de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la confirmation du jugement déféré dans son principe et la condamnation de Monsieur B. à lui payer, sur son appel incident,

– la somme de 1.535 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

– la somme de 2.621,18 euros à titre d’indemnités de congés payés,

II . Les faits et la procédure .

Monsieur Jérémy F., qui est entré au service de Monsieur Stéphane B. le 24 juin 2006, en qualité d’employé libre service, selon contrat de travail à durée déterminée qui a été poursuivi par un contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 2007, et qui a été convoqué le 12 octobre 2007, pour le 20 novembre suivant, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, a reçu notification de son licenciement par lettre recommandée, datée du 13 décembre 2007, énonçant pour motifs :

« Suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé le 13.10.2007 dans nos locaux, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour un motif économique.

En effet le licenciement est justifié par le manque d’activité de l’entreprise et ses déficits successifs.

Vous allez recevoir sous trois jours votre attestation Assedic, votre salaire du mois de novembre, ainsi que votre reçu de solde pour tout copte accompagné du règlement. »

Monsieur Jérémy F. a saisi le Bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes de Bordeaux le 5 février 2008,

SUR QUOI LA COUR Vu les conclusions contradictoirement échangées, déposées à l’audience par Monsieur Stéphane B. et par Monsieur Jérémy F., alors visées par le greffier et développées oralement,

Attendu que Monsieur Stéphane B. fait plaider, à l’appui de son appel, que l’infirmation du jugement déféré s’impose dés lors que, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu,

– les difficultés économiques de l’entreprise sont avérées et justifiées par les relances bancaires produites aux débats,

– que Monsieur F. ne justifie pas du préjudice subi,

– et que la procédure de licenciement a été parfaitement respectée, nonobstant l’erreur de

plume commise dans la lettre de licenciement quant à la date de l’entretien préalable,

Attendu que Monsieur Jérémy F. fait valoir, pour sa part,

– que, tout d’abord, la procédure de licenciement est bien irrégulière dés lors

– que l’entretien préalable s’est tenu le 13 octobre 2007, lendemain du jour de la convocation,

– et que la convocation ne mentionnait pas qu’il pouvait se faire assister par un conseiller du salarié,

– que, ensuite, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dés lors

– que les difficultés économiques ne sont pas établies,

– que la lettre de licenciement ne mentionne pas la nécessité de supprimer son poste,

– et qu’il n’est fait nullement mention de la recherche d’un reclassement,

– et que, enfin, il justifie d’une période de chômage prolongé et de ce que ses congés payés ne lui ont jamais été payés pendant la durée du contrat de travail,

* * * * *

– Sur le licenciement

Attendu que, pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique

– doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l’entreprise, soit à une cessation d’activité, la réorganisation, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, devant être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient,

– et que la lettre de licenciement doit comporter non seulement l’énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l’entreprise, mais également l’énonciation des incidences de ces éléments sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié licencié,

Attendu qu’il convient dés lors, en la cause, les termes des lettres de licenciement précisant seulement les difficultés économiques de l’entreprise mais non leur incidence sur l’emploi occupé par le salarié, de constater que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur F. est dés lors dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point,

Attendu que Monsieur Jérémy F., qui ne réunit pas les conditions pour bénéficier de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L.1234-9 du code du Travail, justifie toutefois d’un chômage prolongé et établit ainsi un préjudice dont la réparation implique l’allocation de 8.000 euros justement retenue par les premiers juges,

Attendu, par ailleurs, qu’il ressort de la lettre de convocation à l’entretien préalable que l’employeur n’a pas rappelé au salarié qu’il pouvait, en l’absence d’institutions représentatives dans l’entreprise, se faire assister par un conseiller du salarié,

Attendu que cette irrégularité de la procédure de licenciement sera réparée par l’allocation de dommages et intérêts justement évalués par les premiers juges à un mois de salaire,

– Sur les congés payés

Attendu que Monsieur B. fait valoir, sur ce point, que la demande de Monsieur F. est totalement incompréhensible et injustifiée,

Attendu cependant que Monsieur F. établit, par ses bulletins de salaire, n’avoir jamais été payé de ses congés payés,

Attendu que le jugement déféré sera également confirmé sur ce point, Monsieur B., sur lequel repose en conséquence la preuve de ce qu’il s’est acquitté de cette obligation, ne justifiant d’aucune manière du paiement de ces indemnités,

* * * * *

Attendu enfin que ni l’équité ni des raisons économiques ne justifient de dispenser Monsieur Stéphane B. de l’application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant également confirmé sur ce point,

P. Reçoit Monsieur Stéphane B. en son appel du jugement rendu le 28 avril 2009 par le Conseil de prud’hommes de Bordeaux et Monsieur Jérémy F. en son appel incident,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Stéphane B. à payer à Monsieur Jérémy F. la somme de 1.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Monsieur Stéphane B. aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Signé par Monsieur Jean Paul ROUX, Président, et par Chantal TAMISIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C. TAMISIER Jean Paul ROUX

Composition de la juridiction : Monsieur Jean Paul ROUX, SCP BLAZY et Associés, Régine LOYCE CONTY, Michèle BAUER

Décision attaquée : C. Prud. Bordeaux, Bordeaux 28 avril 2009