« Avocat sérieux à l’écoute », « Me… a su régler mon problème avec mon employeur rapidement, vraiment merci. », « Je recommande les services de Me X car j’étais très satisfaite

 

Voici quelques commentaires que l’on peut lire aujourd’hui sur les sites internet de certains de nos Confrères ou sur des sites « plate forme » rassemblant les Confrères tel un annuaire d’ avocats.

Les clients satisfaits ou pas des services de leur avocat ont la possibilité de donner leur avis et même de d’octroyer des étoiles (sur Google + notamment). Cette notation fait penser à cette publicité pour la « Vache qui rit », trop grand, trop maigre etc…

Pour donner une garantie de sérieux de ces commentaires, certains Confrères et certains sites qui ne sont pas gérés par des avocats passent par une entreprise qui vérifieraient les commentaires.

Il est légitime de s’interroger sur ces commentaires de clients ou prétendus clients.

Comme pour les Hôtels et restaurants notés par les internautes sur Trip Advisor, les faux commentaires peuvent exister sur les sites des avocats contrôlés ou pas par une entreprise qui s’auto-proclame comme la seule « débusqueuse  » des faux avis.

Télérama avait dénoncé ces pratiques dans un de ses articles: la Grande Triche du Web.

Pour nos sites d’avocats se pose une question: Est-ce que mettre en ligne des commentaires de clients satisfaits par nos services est conforme à notre déontologie ?

Le CNB (Conseil National des Barreaux) a délivré un avis  à la suite de la saisine de Monsieur le Vice-Bâtonnier du Barreau de Bordeaux (vous pouvez consulter l’avis: ( cnb_commentaires clients_site_internet).

Dans cet avis n°2015-019 du 18 mai 2015, le CNB sur cette question des commentaires de clients sur les sites des avocats a indiqué:

– les commentaires laudatifs de clients sont nécessairement constitutifs de publicité pour l’avocat

– la publicité de l’avocat est autorisée à la condition que cette dernière procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposés et que leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession (loyauté, délicatesse, dignité, modération, honneur, indépendance et confraternité)

– les commentaires ou témoignages de clients en ligne posent déjà le problème du risque des « faux avis » . Pour le CNB, il peut être facile pour tout un chacun, y compris pour l’avocat de se faire passer pour un client et de déposer un commentaire, qu’il soit positif ou non. Dans ce contexte, la publicité serait nécessairement déguisée. Or toute publicité mensongère est interdite par l’article 10.2 du RIN. Pour ma part, je suis toujours très surprise de lire des centaines de commentaires ravis de clients sur certains sites de Confrères. J’ai l’impression (mais je me trompe peut-être) que le plus souvent ceux qui sont les plus rapides à dégainer leur clavier sont les mécontents, un peu comme pour les Hôtels ou restaurants, il m’est arrivé une seule fois de mettre un commentaire sur un site comparatif pour un restaurant où le dîner était très mauvais. Quand c’est bon, je ne prends pas la peine de l’écrire, c’est peut-être un tort. Aussi, j’ai du mal à croire que les clients satisfaits prennent la peine et le temps d’écrire leur satisfaction. Aucun client n’écrit à notre Bâtonnier pour rapporter que nous avons très bien traité son dossier, qu’il est satisfait, enchanté par nos services.

– la publicité n’est permise que si elle procure une information au public. Si l’avocat n’affiche que les commentaires positifs sur ses services, il ne garantirait pas une présentation sincère et juste sur la nature des prestations de services qu’il propose. La diffusion de commentaires faisant l’éloge de l’avocat ou de son cabinet constitue un manquement aux principes de délicatesse, de modération, de dignité et de loyauté, étant observé que le client satisfait rendra automatiquement l’avocat responsable de la teneur des propos laudatifs qu’il aura publiés sur son compte.

Le CNB termine son avis en considérant que le droit n’étant « pas assimilable à une banale activité de prestation de service » son exercice ne doit pas être pratiqué comme un commerce.

Il ajoute: « Par conséquent, outre les difficultés liées au respect du secret professionnel qu’une telle pratique peut causer (…), l’avocat n’étant pas un acteur économique comme les autres et ses services n’étant pas de simples marchandises, son travail ne peut être évalué comme une prestation ou une denrée échangée pour une contrepartie financière »

Cet avis est sage mais je crains qu’il ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau de cette grande mare pleine de vase qu’est devenu internet. Certains de nos Confrères oublient nos principes essentiels lorsqu’ils sont sur la toile. L’influence des pirates du droit explique en grande partie ce non-respect de notre déontologie: on copie sur les start-up qui ne sont pas avocats parce que ça marche mais on n’essaie pas de se démarquer, en bref on nivelle la profession vers le bas au détriment de l’internaute futur client qui peut se faire duper par de faux commentaires notamment.

En outre, sur cette question particulière des commentaires, il faut relever que quelques fois l’avocat n’est pas maître de ces derniers. Ainsi de nombreux annuaires sur lesquels s’inscrivent les avocats proposent aux internautes de donner leur avis sur tel ou tel avocat. Il n’est pas possible de demander le retrait de ces commentaires car ces sites estiment que cela constitue un « plus » pour leurs visiteurs. Or, il sera difficile pour certains de renoncer à un référencement sur un de ces annuaires au seul motif qu’il peut y figurer des avis de clients. Sur ce point, vous noterez que bizarrement sur ces annuaires les avis sont peu nombreux même quelques fois inexistants, quand je vous disais que je ne suis pas convaincue que les clients prennent le temps d’écrire !