Un néonaticide désigne le meurtre d’un nouveau-né le jour de sa naissance. La semaine dernière, la cour d’assises de la Gironde a condamné Alice pour homicide volontaire sur mineur de moins de quinze ans à cinq ans de prison, dont quatre ans avec un sursis probatoire. L’une de ses avocates, Me Michèle Bauer, raconte la tragique histoire de cette jeune femme handicapée victime d’un déni de grossesse. Une affaire qui interroge : la loi est-elle adaptée ?
Il y a des clients que l’on n’oublie pas, que l’on n’oubliera pas et des procès que l’on peut refaire souvent, trop souvent.
Alice est de ces clients, si attendrissante, si fragile.
Son procès s’est tenu la semaine dernière durant trois jours devant la Cour d’Assises de la Gironde.
Agée de 22 ans au moment des faits, elle a été adoptée par une femme qui avait une maladie génétique et ne voulait pas la transmettre à son enfant. Mais très vite, Alice a présenté des problèmes de vue, on lui a diagnostiqué une pathologie qui ne se guérit pas, elle finira aveugle. Elle est également en surpoids, ce qui lui vaut des moqueries. Au collège, elle a été victime de harcèlement. Son intelligence limitée lui a par ailleurs valu des échecs scolaires. Ses parents ont divorcé lorsqu’elle avait douze ans, elle a vécu ensuite chez sa mère.
Un jour, Alice a fugué pour se détacher de sa mère. Elle a commencé à multiplier les aventures amoureuses pour oublier les deux trahisons dont elle avait été victime. Décidée à ne plus s’attacher, elle enchaîne les relations sexuelles sans trop savoir avec qui et quand, elle se perd. Alice rentre chez sa mère, mais continue de voir des hommes en cachette.
Une simple gastroentérite ?
En décembre 2018, malgré tous ses handicaps, elle décide de ne plus dépendre de sa mère avec qui elle a une relation fusionnelle, trop fusionnelle. Elle veut prendre son envol.
Alice est volontaire, elle choisit de suivre un stage en ESAT (Établissement ou service d’aide par le travail). Un foyer pour aveugles et déficients visuels lui permet d’être hébergée à Bordeaux.
Le dimanche 9 décembre 2018, elle ne se sent pas bien du tout, elle a très mal au ventre, mais elle quitte néanmoins sa maison pour se rendre à son stage. C’est une amie de sa mère qui l’héberge.
Le lendemain, elle consulte un médecin qu’elle connait déjà ; il diagnostique des problèmes digestifs, sûrement une gastroentérite, et lui prescrit des médicaments.
Elle est rassurée, c’est un professionnel, si elle avait eu un grave problème, il l’aurait vu. Alice peut commencer son stage le mardi dans la sérénité.
Le 11 décembre, elle s’installe à l’UNADEV (Union nationale des aveugles), chambre 11 au 5ème étage. Il n’y a aucun autre résident, elle est seule au sein de ce foyer, seule pour affronter cette terrifiante nuit qui l’attend.
L’intendante qui a accueilli Alice a constaté qu’elle n’était pas très bien et demandé au gardien de passer la voir. Ce qu’il fait en début de soirée, vers 20h ; il lui trouve mauvaise mine.
Alice n’est toujours pas bien, ces fichus maux de ventre ne se calment pas. Impossible de dormir tant la douleur est intense. Elle a beau prendre ses médicaments, ils ne lui font aucun effet.
Alice pense qu’elle est en train de mourir
Sa nuit d’enfer ne fait que commencer.
Elle ne cesse de faire des allers et venues de la chambre aux toilettes situées dans la salle de bains, et des toilettes à la chambre. Elle saigne beaucoup, il y a du sang partout.
Alice panique, elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle s’efforce d’évacuer des selles, mais cela ne vient pas, elle pousse et n’arrive pas.
La lumière dans la salle de bains est peu importante, ce qui aggrave son handicap, elle est presque aveugle la nuit.
Tout ce sang qui sort d’elle, Alice pense qu’elle est en train de mourir.
Elle est sidérée.
Pour la suite : Actu juridique
Cet article a été publié dans Actu-Juridique après le procès d’assises où nous défendions avec ma Consoeur Sophie GAUCHEROT, Alice qui comparaissait pour être jugée pour des faits qui ont été qualifiés d’homicide involontaire sur mineur de moins de quinze ans.
Article SUD OUEST :
Comments by Michèle Bauer
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