Ces derniers mois, des actrices ont révélé avoir subi du harcèlement sexuel de la part d’un producteur et pour certaines avoir été victimes d’agressions sexuelles ou de viols.

Ces révélations sont parties des réseaux sociaux avec le fameux #BalanceTonPorc puis #MeeTo.

Des débats se sont élevés, des tribunes ont été publiées de part et d’autre pour les victimes, pour le droit à la séduction etc..

Un site existe depuis 2012 sur le harcèlement sexuel, mis en place par le gouvernement: stop harcèlement sexuel.

En outre, une étude a été publié par l’IFOP en janvier 2014 pour le défenseur des droits précise notamment:

La majorité des Françaises et des Français (64%) estime ainsi qu’il est fréquent qu’une personne
travaille dans un environnement avec des blagues à caractère sexuel (15% jugent même la
situation « très fréquente »). Les autres situations de harcèlement sexuel identifiées sont des
gestes et propos à connotation sexuelle répétés malgré une absence de consentement (situation
fréquente selon 32% des Français), le chantage sexuel ou l’envoi de messages à caractère sexuel
ou pornographique (fréquents pour 20% d’entre eux) ou encore l’affichage d’images à caractère
sexuel ou pornographique (17%).

Toute cette polémique a eu le mérite de mettre au jour le harcèlement dont peuvent être victimes les femmes dans le cadre de leur travail et me permet de m’intéresser à la question du harcèlement sexuel au travail: comment ce dernier est caractérisé ? comment est-il sanctionné ? Quels sont les droits des salarié(e)s ? Quelles sont les obligations des employeurs ?

1- La définition du harcèlement sexuel.

 L’article L1153-1 du Code du travail  définit le harcèlement sexuel:

Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

  • les propos ou comportement à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Les propos ou comportement à connotation sexuelle répétés sont des propos ou comportements ouvertement sexistes,grivois, qui constituent des provocations ou encore des gestes obscènes… Il suffit que ces actes revêtent une connotation sexuelle.

La Cour de cassation a pu estimer que l’envoi de messages électroniques contenant des propos à caractère sexuel à plusieurs salariées et des réflexions déplacées constituait du harcèlement sexuel ( Cass.soc. 11 janvier 2012, n° 10-12.930).

Une tentative de séduction n’est pas considérée comme du harcèlement sexuel: ainsi, l’envoi de poèmes d’un directeur à une de ses salariés traduisant son « émoi » et n’a aucun caractère sexuel. Elle n’est pas considéré comme du harcèlement sexuel selon la Cour d’appel de Versailles en 1993.

De même, un salarié triste de sa rupture sentimentale qui adressera deux messages faisant référence à un attachement nostalgique à son ancienne liaison n’est pas l’auteur de harcèlement sexuel (Cass.soc. 23 septembre 2015, n° 14-17.143).

  • la pression grave même non répétée, exercée dans un but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur ou au profit d’un tiers.

Ce type de harcèlement se définit par son objet, le but poursuivi par son auteur.

Cette pression grave s’assimile à du « chantage sexuel », le but de l’auteur étant d’obtenir un acte de nature sexuelle ( pas forcément une relation sexuelle, cela peut-être un simple but d’avoir un contact physique) en contrepartie d’un avantage: augmentation, emploi ou évitement d’un licenciement.

Ainsi la Cour d’appel de Paris a pu juger que la promesse d’avancement d’un directeur à une stagiaire si elle acceptait de céder à ses avances était considéré comme du harcèlement sexuel.

A été considéré comme du harcèlement sexuel par la Cour d’appel de Bordeaux, arrêt du 21 décembre 2017, n° RG16/01680                ( harcèlement sexuel d’une femme sur un homme, car cela peut exister…):

Il ressort des attestations précises et concordantes versées aux débats (attestations de Mme …, M. …, M. …, Mme …, Mme …, Mme …, Mme …, Mme …, Mme … collègues de travail de M. Z, Mme … chef d’équipe) que Mme … avait pour habitude de s’entretenir avec M. Z tous les jours, que dans un premier temps ils étaient dans le bureau de Mme … tous les deux porte fermée pendant plusieurs heures puis au début de l’été 2011, Mme … venait directement au poste de travail de M. Z pour parler avec lui, passant jusqu’à deux à trois heures par jour soit à lui parler soit à l’écouter au téléphone avec les clients, s’asseyant sur sa table le regardant travailler, que lorsqu’il arrivait sur le plateau, elle lui faisait remarquer qu’il était bien habillé et beau. Elle pouvait alors l’entretenir de sujets extra-professionnels que chacun pouvait entendre aux alentours.

Mme … avait alors remarqué que M. Z était systématiquement isolé, placé seul en face du bureau de leur cadre Mme … et qu’au cours de l’été 2012, il avait cherché à espacer les contacts avec la cadre, et avait alors perdu du poids, son visage s’étant émacié, il avait les traits tirés. Cette observation lui a fait prendre conscience qu’il était en souffrance et qu’il ne pouvait plus être considéré comme le ‘chouchou consentant’ de leur supérieure (sic). Les déclarations de Mme … corroborent cette observation et la prise de conscience des collègues de travail de la situation de stress aggravé dans laquelle se trouvait M. Z au point de la signaler à un chef d’équipe présent sur le service vers la fin août-début septembre 2012.

Mme …, chef de service, a attesté qu’ayant remarqué le comportement de Mme … vis-à-vis de M. Z, elle avait avec ses collègues chefs de service, fait remarquer à cette dernière que son attitude était très étrange à l’égard de ce chargé de clientèle et que cette attitude suscitait des questionnements et des moqueries chez les autres chargés de clientèle voir même pour certains, de la colère et qu’elle leur avait alors répondu que c’était elle qui gérait ce service comme bon lui semblait, et que ceux qui réagissaient de la sorte n’étaient que des jaloux, que la situation ne leur a pas paru inquiétante tant que M. Z ne semblait pas perturbé mais qu’au fil des jours ce dernier a commencé à s’isoler et s’est retrouvé en arrêt maladie, ayant en outre révélé à une chef d’équipe son malaise au quotidien généré par l’attitude de sa responsable de service, à la suite de quoi une alerte a été effectuée auprès du médecin de prévention du centre financier de Bordeaux.

Mme … indique quant à elle que Mme … lui caressait le dos et les épaules.

Aux termes de la narration mensuelle des faits énoncés par M. Z dans son écrit (pièce 15), celui-ci a indiqué que Mme … lui avait proposé de prendre un café à l’extérieur en septembre 2011, ainsi qu’en octobre 2011 et lui avait même proposé d’aller au restaurant, au théâtre ou même au cinéma, réitérant de manière insistante ses propositions de rencontres en dehors du temps de travail à compter du mois d’octobre 2011, qu’à compter du mois de novembre 2011, elle l’a questionné sur sa vie privée, lui demandant son numéro de téléphone personnel, qu’en décembre 2011, elle lui a demandé s’il était gay et qu’il a répondu que cela ne la regardait pas, ne donnant pas suite à cette conversation et reprenant son travail. Ces faits, s’intégrant dans le comportement de Mme … tel que décrit par les collègues de M. Z, sont crédibles et seront considéré comme établis.

A noter qu’en matière de harcèlement sexuel, un seul acte suffirait à caractériser le harcèlement, la Cour de cassation a effectué cette précision dans un arrêt récent du 17 mai 2017 ( Cass.soc n°  15-19.300).

La Cour de cassation opère à une interprétation extensive de la définition de harcèlement sexuel.

2- L’obligation de prévention de l’employeur.

L’employeur est tenu à une obligation de sécurité. Il doit prévenir les actes de harcèlement sexuel.

Il doit rappeler dans le règlement intérieur de l’entreprise les informations relatives au harcèlement et prendre toutes les mesures de sensibilisation, d’information sur le harcèlement.

3- les actions du salarié face aux harcèlement sexuel.

  • Le ou la salarié(e), victime de harcèlement a la possibilité d’exercer son droit de retrait conformément à l’article L 4131-1 du Code du travail.
  • le ou la salarié(e) peut solliciter du Conseil de Prud’hommes la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur qui n’a pas respecté son obligation de sécurité: il faudra bien entendu prouver ce harcèlement sexuel: si des SMS ont été adressés, il faudra les faire transcrire par un huissier de justice, idem pour les mails… peut-être que des salariés pourront attester en faveur du salarié victime…
  • Le ou la salarié(e) a la possibilité de porter plainte car le harcèlement sexuel est aussi une infraction pénale, cette plainte permet quelques fois de constituer son dossier puisque la preuve est libre et que le salarié victime pourra produire des enregistrements au soutien de sa plainte, enregistrements qu’il ne peut produire devant le Conseil de Prud’hommes, cette preuve étant déloyale. Cependant, les salariées sont confrontées à des policiers qui souvent ne souhaitent pas « prendre » leur plainte, c’est ce qu’a fait ressortir un collectif de femmes récemment. Aussi, si les policiers ou les gendarmes refusent de « prendre » la plainte, il est conseillé de porter plainte directement devant Monsieur le Procureur de la République.

 

Pour une demande de devis en matière de droit du travail: Avocat Bordeaux Bauer Spécialiste Droit du travail- Devis Droit du travail.