Les arnaques au président et les deepfakes sont des menaces croissantes pour les entreprises et leurs salariés.

Ces techniques sophistiquées trompent même les employés les plus vigilants, entraînant parfois des licenciements abusifs (dépourvu de cause réelle et sérieuse).

Pourtant, la jurisprudence récente montre que les salariés victimes de ces fraudes peuvent contester leur licenciement et obtenir gain de cause. Voici comment.


Les deepfakes : une nouvelle menace qui peut toucher tout le monde.

Les deepfakes (fausses vidéos ou audios générés par IA) rendent les arnaques encore plus convaincantes.

Par exemple, des fraudeurs peuvent imiter la voix d’un dirigeant ou d’un proche pour demander un virement urgent.

Ces techniques exploitent la confiance de certaines personnes, et joue sur une corde sensible: les sentiments amoureux, la fidélité et l’obéissance à un employeur.

Souvent ces fraudes sont difficiles à détecter.

Exemple marquant : Anne et le faux Brad Pitt

En 2025, Anne, une décoratrice d’intérieur française, a été victime d’une arnaque sentimentale utilisant des deepfakes.

Pendant plusieurs mois, elle a cru entretenir une relation avec Brad Pitt, alors qu’elle communiquait avec des escrocs utilisant des messages et appels générés par IA.

Résultat : elle a perdu 830 000 € avant de réaliser la supercherie

Pourquoi cet exemple est-il important ?

  • Il montre que personne n’est à l’abri des arnaques sophistiquées.
  • Les fraudeurs exploitent l’intelligence artificielle pour rendre leurs escroqueries crédibles.
  • Les victimes peuvent subir des préjudices financiers et psychologiques graves.

L’arnaque au président : un piège bien rodé

L’arnaque au président consiste à se faire passer pour un dirigeant de l’entreprise (PDG, directeur financier) afin de demander un virement urgent vers un compte étranger.

Les fraudeurs utilisent des emails falsifiés, des appels téléphoniques ou même des deepfakes vocaux pour rendre leur demande crédible.

Licenciement abusif : que dit la jurisprudence ?

Les salariés victimes d’arnaques au président ou de deepfakes sont parfois licenciés pour faute grave.

Ces licenciements sont souvent considérés comme « abusif » , dépourvu de cause et sérieuse, par les juges du fond, surtout si les mesures de sécurité nécessaires n’ont pas été mises en place par l’entreprise.

Quelques arrêts qui ont considéré que le licenciement de salariés victimes de deepfake est dépourvu de cause réelle et sérieuse:

 Cour d’appel de Paris 20 juin 2024

Le 11 mai 2020, une salariée a reçu un email semblant provenir du président de son entreprise, lui demandant d’effectuer un virement de 196 770 € vers un compte chinois. Malgré des indices suspects (fautes d’orthographe, messagerie personnelle), elle a obéi, pensant répondre à une demande légitime.

La Cour d’appel de Paris a conclu que

  • L’employeur n’avait pas formé la salariée aux risques de l’arnaque au président.
  • Aucune procédure de double validation pour les virements importants existait au sein de l’entreprise.
  • Les fraudeurs avaient utilisé une manipulation psychologique pour déstabiliser la salariée, exploitant son sens des responsabilités et l’urgence de la demande.
  • La Cour a jugé que la salariée ne pouvait être tenue pour responsable de ne pas avoir détecté les indices de fraude, car l’entreprise n’avait pas pris les mesures nécessaires pour la protéger

Conséquence : Le licenciement de la salariée a été considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et l’entreprise a été condamnée à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais malheureusement le licenciement vexatoire n’a pas été reconnu.


Cour d’appel de Montpellier 2 avril 2025

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour avoir effectué un virement de 35 000 € suite à une arnaque au président.

La Cour a estimé que :

  • Deux des griefs (relances clients et gestion des chèques) étaient fondés.
  • Mais l’ancienneté de la salariée (25 ans) et son passé sans reproche ne justifiaient pas un licenciement pour faute grave.
  • L’entreprise n’avait pas mis en place de formation ou de protocole de sécurité pour prévenir ce type de fraude.

La Cour a condamné l’entreprise à verser 35 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cour d’appel de Rennes 20 avril 2018

La Cour d’appel de Rennes a confirmé qu’un salarié victime d’une arnaque au président ne pouvait être licencié pour faute grave si son employeur n’avait pas mis en place de formation ou de procédure de vérification.

Dans cette affaire, un comptable avait refusé d’effectuer un virement de 400 000 € demandé par des escrocs, mais avait tout de même été licencié.

L’entreprise n’avait pas prouvé avoir informé le salarié des risques d’arnaque, ni mis en place des protocoles de sécurité a jugé la Cour.

Elle a considéré en effet:

  • Les emails des escrocs étaient particulièrement bien structurés et rédigés dans un vocabulaire adapté, rendant leur caractère suspect difficile à détecter.
  • Le salarié n’a pas été formé des risques d’arnaque au président ou mis en place des procédures de vérification pour les opérations financières sensibles.
  • M. M. a évité un préjudice financier à l’entreprise en refusant d’effectuer le virement.

Résultat : le licenciement a été considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, et l’entreprise a été condamnée à verser 15 000 € de dommages et intérêts au salarié.


Tableau des bonnes pratiques.

Pour qui ?Bonnes pratiques
Pour les employeurs✅ Former régulièrement les équipes aux risques de phishing et d’arnaque au président.
✅ Mettre en place des protocoles stricts :
• Double validation pour les virements.
• Vérification systématique des demandes de paiement.
Sécuriser les outils :
• Utiliser des logiciels de détection des emails frauduleux.
• Activer l’authentification multifacteur (2FA).
Pour les salariésNe jamais effectuer un virement sans vérification préalable.
Signaler immédiatement tout email ou appel suspect.

Que faire si vous êtes licencié après une arnaque ?

  1. Consultez un avocat spécialisé en droit du travail pour évaluer la légalité de votre licenciement.
  2. Vérifiez si votre entreprise a respecté ses obligations (formation, procédures de sécurité).
  3. Saisissez le Conseil de Prud’hommes afin que ce dernier considère que votre licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et  afin d’obtenir des dommages et intérêts pour préjudice subi.

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Ensemble, nous analyserons votre situation et mettrons en place une stratégie pour défendre vos droits.