Comme vous le savez, l’avis de la Cour de cassation a été rendu il y a quelques jours et à peine cette décision rendue le Conseil de Prud’hommes de Grenoble réuni en départage écarte le Barème considérant que l’avis de la Cour de cassation n’est pas une décision de fond.
Cet avis qui aurait permis de mettre fin aux débats selon de nombreux commentateurs qui sont allés vite en besogne et qui ne se sont que très peu intéressés à la véritable valeur juridique d’un avis.
Seuls quelques journalistes ont analysé d’une manière plus « fine » l’avis de la Haute juridiction en doutant que le débat soit clos (comme Florence Mehrez d’actuel-RH ou Bertrand Bissuel du Monde).
Ces quelques dissidents de la pensée unique ont eu raison puisque le Conseil de Prud’hommes de Grenoble a écarté le barème Macron quelques jours après l’avis de la Cour de cassation, lire à ce sujet: Barème Macron: le Conseil de Prud’hommes de Grenoble, section départage ne partage pas l’avis de la Cour de cassation.
Cette décision est suivie de très près par un nouveau jugement du Conseil de Prud’hommes de TROYES, réuni en départage rendu le 29 juillet 2019 qui souvenez-vous était à l’origine des premiers jugements écartant le barème Macron.
Par ce jugement du 29 juillet 2019, le Conseil de Prud’hommes de TROYES de manière extrêmement motivée écarte le barème et indique:
« (…) La SAS cite les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat s’agissant de ce sujet; que toutefois, le Conseil Constitutionnel ne se prononçait que sur la constitutionnalité du texte et non sa conventionnalité et que le Conseil d’Etat n’a statué qu’en matière de référés et non au fond; qu’il résulte que les décisions de ces deux hautes juridictions n’ont aucune autorité devant une juridiction judiciaire du fond (…). Le conseil ajoute que le fait que d’autres pays connaissent des barèmes d’indemnisation et n’aient pas été sanctionnés à ce titre n’a aucune incidence sur le cas d’espèce ».
Je vous invite à lire la suite de la motivation en prenant connaissance de ce jugement: TROYES jugement départage du 29 juillet 2019.
Ce jugement est particulièrement motivé comme je l’ai déjà écrit plus que l’avis de la Cour de cassation qui était particulièrement décevant.
Le juge départiteur dans cette affaire constate que ce barème limite fortement la marge de manœuvre du juge face à un cas d’espèce où le salarié multiplierait les postes des préjudices et se trouverait davantage impacté que la moyenne par son licenciement. Du fait de ce manque de manœuvre, le barème ne permettrait pas selon le Conseil de Prud’hommes d’octroyer aux salariés une indemnisation adéquate.
Ce jugement, il faut le rappeler comme le jugement de Grenoble a été rendu par un juge départiteur, juge formé par l’école de la magistrature comme les conseillers à la Cour de cassation.
Ce juge est également juge du fond qui apprécie souverainement les situations qui lui sont soumises.
Le jugement ne fait pas référence à l’avis de la Cour de cassation, l’audience de plaidoirie a eu lieu le 3 juin 2019 et le prononcé de cette décision le 29 juillet 2019, entre ces deux dates l’avis a été rendu par la Cour de cassation le 17 juillet 2019.
Sauf si les conseillers ont pris leur décision le jour de la plaidoirie, on peut penser que comme la date de l’avis était connue, le juge n’y fait peut-être pas référence tout simplement parce qu’il ne se savait pas lié par cet avis conformément à l’article L 441-3 du Code de l’organisation judiciaire. Il est dommage que le juge n’ait pas pris le soin de faire référence à cet avis et le critiquer.
En tout état de cause, ce nouveau jugement démontre encore une fois que rien n’est joué, les salariés ne doivent pas baisser les bras car des Conseils de Prud’hommes résistent et surtout appliquent les textes internationaux.
Quant aux employeurs, il est vivement conseillé de bien réfléchir avant de licencier sans motif car il n’est pas sûr que ce soit une opération à moindre coût, les surprises seront très certainement au rendez-vous.