La Commission Prospectives et innovation a présenté un rapport le 12 octobre 2019 sur la notation des avocats lors de l’assemblée générale du CNB (notre institution représentative).

A la lecture de ce rapport, l’envie ne manque pas de donner un zéro pointé ou une étoile dans le ciel étoilé de Google au CNB.

Il convient de relever tout d’abord que d’une manière très surprenante ce rapport a été rédigé par la Commission prospectives et innovation et non par Règles et Usages, ce qui est le signe d’une volonté, celle de ne pas réfléchir sérieusement sur la notation et la compatibilité avec notre déontologie.

La Commission Règles et Usages dans un avis déontologique n°2015-019, le 18 mai 2015 a pourtant été claire: l’avocat est auxiliaire de justice, il n’est pas commerçant, aussi les avocats ne peuvent pas publier sur leur site internet les avis de leurs clients satisfaits de leurs services.

Les jeux seraient faits pour la profession qui mets en avant l’arrêt Jurisystem rendu par la Cour de cassation le 11 Mai 2017  qui a considéré que les avocats ne peuvent pas imposer leur déontologie aux tiers, soit.

Cependant, la profession d’avocat reste et demeure une profession réglementée, elle peut donc très facilement décider que se prêter à la notation est contraire à la dignité, à la délicatesse qui guident notre exercice et au secret professionnel et réglementer notre exercice sur internet qui n’est pas une zone de non droit ou de non respect de notre serment.

Par ailleurs, ce rapport a été écrit par les legaltechs et pour les legaltechs, il n’y a qu’à se référer aux personnes auditionnées, « sachantes » virtuelles, spécialistes de la notation ou plutôt gérantes de sociétés qui se chargent de e-réputation ou encore qui gèrent des sites de référencement d’avocats avec possibilité de notations…

Comment peut-on accorder une quelconque crédibilité à des intervenants directs de ce marché du droit qui ont tout à gagner si la profession accepte de se faire noter ?

Selon ces « sachants » , la profession n’a pas d’autres choix que de se prêter à la notation et de revenir à l’école primaire.

Les arguments sont très indigents :

-les autres professions (agences de voyages notamment) ont dû s’y résoudre donc il faut y aller pauvres moutons de panurge que nous sommes !

-selon les legaltechs le site du CNB avocat.fr est très mal fait, ne permet pas de faire un choix d’un avocat car ce serait un simple annuaire sans critères de choix.

Or, l’internaute aurait besoin d’avoir des avis, des notes d’autres internautes pour choisir son avocat, ce serait son seul et unique critère de choix.

L’affirmation est non seulement fausse mais aussi purement gratuite.

Fausse, car le site avocat.fr permet à l’internaute de filtrer et de choisir en fonction de la ville, les domaines d’activité de l’avocat, des spécialisations, des tarifs et aussi de la personnalité d’un avocat puisqu’un blog peut être alimenté par ce dernier s’il le souhaite et permet de se démarquer de ses Confrères.

Gratuite : aucune étude en France n’a été menée pour connaître le mode d’acquisition de leur clientèle par les avocats : bouche à oreille, internet, réseaux divers et variés…

Les rédacteurs de ce rapport le reconnaissent: cette étude serait nécessaire et reconnaissent donc qu’ils ne connaissent pas l’impact des avis sur l’acquisition de clients par un avocat.

Bien entendu, selon ce même rapport, si des avis ou des notations devaient être donnés, il ne faudrait pas que ce soit le CNB, la profession elle-même, qui contrôle ces avis ou qui utilise son outil avocat.fr car elle ne serait pas objective et les internautes seraient méfiants de ces avis là.

Encore une fois, cet argument est la preuve que ce rapport manque d’objectivité.

Il a été rédigé en partenariat avec les legaltechs et pour elles.

Il ne faut pas manquer d’audace tout de même : les legaltechs ne souhaitent pas dévoiler les secrets techniques de leur notation et de leur contrôle et se permettent de douter de la transparence et de l’objectivité que pourrait avoir le CNB.

Il est également affirmé que le CNB ne peut pas décemment mettre en concurrence les confrères entre eux, alors que c’est déjà le cas par le seul fait de mettre en ligne et en toute transparence les tarifs des confrères qui du coup entrent automatiquement en concurrence.

L’idée du label est par ailleurs exclue car ce serait une usine à gaz qui ne pourrait pas fonctionner car le CNB ne pourrait pas suivre : il devrait mettre en œuvre un cahier des charges et des process très stricts de labellisation.

En plus le label ne parlerait qu’aux anciens pour ne pas écrire aux vieux car c’est bien connu, ce ne sont que les jeunes qui surfent sur internet, les vieux ils continuent de surfer avec leur plume d’oie sur des parchemins.

Ce rapport se prononce très clairement pour que les avocats puissent être notés en se voulant rassurant, la notation ne sera pas une notation performance ( l’avocat est bon car il a gagné mon dossier) mais restera une notation de satisfaction car la plupart des clients rechercheraient chez l’avocat de l’humanité ou de la sympathie.

Encore une fois, il s’agit d’une pure et simple affirmation sans aucune démonstration convaincante et documentée.

En outre, si la notation doit se limiter à mon avocat est sympa en plus il est bien habillé et parle bien, je ne vois pas l’intérêt de se soumettre à cette évaluation « Vache qui rit » (seuls les vieux savent, ceux qui écrivent encore avec leur plume d’oie).

Nulle part dans ce rapport des questionnements sont émis sur la comptabilité de cette notation avec nos principes essentiels : dignité, délicatesse et secret professionnel.

La profession d’avocat n’est pas celle d’hôtelier, de médecin.

En effet, les avocats ont des clients mais aussi des adversaires qui pourraient très bien se faire passer pour des clients de l’avocat noté et donner une étoile à leur adversaire en guise de représailles.

De même, l’avocat qui a prêté serment d’exercer dignement, avec délicatesse et probité sa profession ne sera -t -il pas tenté d’engager ces entreprises qui aident à récolter de multiples étoiles et des commentaires élogieux ?

Certains encore plus pervers, qui seraient jaloux du ciel bien trop étoilés et lumineux d’un de leur confrère ne voudraient ils pas se faire passer pour un de ses clients afin de diminuer cette belle lumière ?

N’oublions pas non plus le secret professionnel auquel nous sommes soumis et qui signifie que si des « vrais » clients postent un avis en mentant sur le traitement de leur dossier, nous ne pourrons pas y répondre sous peine de commettre une infraction pénale.

En conclusion, ce rapport manque de sérieux, les rédacteurs en ont peut-être eu conscience puisqu’à la suite de ce dernier un groupe de travail a été créée pour réfléchir (nous voilà rassurés) à cette question de la notation.

Une résolution a été adoptée:

  • une étude d’impact sera réalisée (comment, qui la réalisera, est-ce les legaltechs ?)
  • les aspects déontologiques de cette notation seront étudiés ( pourquoi ne pas renvoyer cette étude à la commission règles et usages, la commission prospective est-elle suffisamment renseignée sur cette question ?)
  • Réfléchir sur les nouvelles évolutions et les bonnes pratiques des notations pour les avocats et pour les tiers (rien compris… pourquoi réfléchir sur l’impact des notations pour les tiers ? Si on réfléchit sur les bonnes pratiques cela signifie donc que nous acceptons la notation, j’ai juste ?)

 

En conclusion, la profession se décide à réfléchir tard sur un phénomène qui existe déjà puisque Google permet de noter les avocats sans même qu’ils aient donnés leur accord ou qu’ils le sachent.

Il apparaît donc comme urgent de déterminer si les avocats souhaitent se mettre au niveau des toilettes des autoroutes qui se laissent noter sans rechigner ou s’ils estiment qu’ils valent mieux que des cabinets WC et se décident à interdire aux Confrères de se prêter à la notation afin d’obliger google à faire disparaître les avocats de son ciel étoilé.

 

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