La Cour de cassation, comme vous le savez a été saisie pour avis par les Conseils de Prud’hommes de Louviers et de Toulouse pour répondre à la question suivante sur le barème dit Macron:
« L’article L. 1235-3 du code du travail, qui prévoit, en cas d’ancienneté du salarié licencié égale ou supérieure à une année complète et inférieure à deux années complètes, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse minimale d’un mois et une indemnité maximale de deux mois, est-il compatible avec les articles 24 de la Charte sociale européenne et 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, en ce qu’ils prévoient le droit pour le salarié licencié de percevoir une indemnité adéquate, ainsi qu’avec le droit au procès équitable protégé par la Convention Européenne des Droits de l’Homme ? »
Les sages doivent se prononcer demain sur cette question et les articles de presse foisonnent, que décidera la Cour de cassation ? Chacun donne son avis sur cet avis, les pronostics vont bon train également.
Le suspens se terminera demain 17 juillet 2019 à 14 heures soit dans quelques heures maintenant.
Quel avis donnera la Haute Juridiction ?
Plusieurs hypothèses:
-aucun avis, en matière de compatibilité des dispositions internes aux normes internationales, à deux reprises, la Cour de cassation a refusé de donner un avis, cette analyse étant réservée pour elle, aux seuls juges du fond ( Avis du 12 juillet 2017 et avis du 16 décembre 2002). Cette solution serait la plus sage et la plus conforme à la « jurisprudence » de la Cour de cassation en la matière. Elle pourra examiner cette question du barème in concreto lorsqu’un arrêt de la Cour d’appel lui sera soumis dans le cadre d’un pourvoi. Refuser aussi de donner son avis lui permettrait d’éviter d’être taxée « de faire de la politique », elle fera du droit quand un pourvoi lui sera soumis.
-La Cour de cassation peut aussi donner un avis qui « validerait » le barème, ce qui serait aberrant compte tenu des arguments solides et imparables qui ont été développés. Elle ferait le choix de sauver ce barème mis en place par Emmanuel Macron, envers et contre tout et tous; rappelons que beaucoup de français et de décideurs sont contre ces barèmes.
-La Cour de cassation pourrait aussi considérer que ces barèmes sont contraires à l’article 10 de la convention de l’OIT et 24 de la Charte sociale européenne. Cette position devra être saluée et serait extrêmement courageuse.
Quel que soit la décision qui sera rendue demain, il faudra continuer de combattre les barèmes devant les juridictions prud’homales, car un avis ne lie pas les juridictions, je ne doute pas que les organisations syndicales d’employeurs ne manqueront pas de le marteler si le barème est écarté et condamné par un avis . De même que les organisations syndicales de salariés insisteront sur ce peu de portée d’un avis de la Haute Juridiction si le barème est validé.
Pour que ce barème disparaisse, il faut que la Cour de cassation statue in concreto comme elle l’a fait pour le contrat nouvelle embauche.
Attendons cet avis, le bras levé et le poing fermé ainsi que le cerveau toujours en ébullition car quoiqu’il arrive le propre d’un avocat, des avocats (de salariés en l’espèce) c’est d’être inventifs et stratèges, le Syndicat des Avocats de France à l’initiative de la diffusion de l’argumentaire contre le barème restera mobilisé, n’en déplaise aux défenseurs de cette « toise arbitraire » comme l’a justement nommée Patrick Henriot.
Photo Cyril Coquilleau