La convention de forfait en heures, hebdomadaire ou mensuelle permet à l’employeur une gestion simplifiée du temps de travail des cadres en prévoyant de rémunérer un forfait d’heures mensuel ou annuel.

Ces conventions sont généralement conclues avec les salariés cadres bénéficiant d’une grande autonomie dans leur travail (ne comptant pas leurs heures…) et n’étant pas soumis aux horaires collectifs de l’entreprise.

Elles sont strictement réglementées.

Cette petite foire aux questions pour en savoir plus sur cette convention de forfait.

Qu’est-ce que c’est qu’une convention de forfait dont on entend si souvent parler ?

La convention de forfait est définie dans le Code du travail. L’article L3121-53 du Code du travail permet à l’employeur de forfaitiser le temps de travail en heures ou en jours. Il est précisé à l’article L3121-54 du Code du travail que le forfait en heures est hebdomadaire ou annuel. Le forfait en jour est annuel.

Les conventions de forfait en heures sur l’année sont réservées aux cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ainsi qu’aux salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi.

Aussi, les salariés ayant conclu une convention en forfait en jours (la plus souvent conclue) ne sont pas soumis à la durée quotidienne maximale de travail effectif, aux durées hebdomadaires de travail ainsi qu’à la durée légale hebdomadaire.

Quelles sont les conditions de validité de la convention de forfait ?

Les conventions de forfait doivent avoir été mises en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

La convention de forfait doit être acceptée par le salarié, l’article L3121-55 du code du travail dispose : « La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit. ».

En outre, l’employeur doit contrôler la charge du travail d’un salarié qui a conclu une convention de forfait. ( article L3121-59 du Code du travail)

Quelle est la conséquence juridique d’une non-signature d’un contrat de travail prévoyant une convention individuelle de forfait ?

Dans l’hypothèse où le salarié n’a pas signé une convention individuelle de forfait et que l’employeur applique le forfait sans son accord, la convention de forfait lui est inopposable.

En effet, même si le principe de la convention de forfait est écrit dans un accord collectif, l’accord du salarié reste requis pour que la convention de forfait soit valable. (Cass.soc. 10 mars 2004 n°01-46.369).

La convention de forfait en jours mise en œuvre en dehors des conditions imposées par la loi, ou à défaut des garanties suffisantes, elle est déclarée nulle (Cass.soc, 14 décembre 2016, n°15-22.003).

En cas de nullité de leur forfait, le salarié peut revendiquer l’application des règles de droit commun de décompte et de rémunération de ses heures (Cass.soc, 29 juin 2011, n°09-71.107). En résumé, il pourra solliciter le paiement d’heures supplémentaires au-delà de la durée légale de travail.

 

Quelles sont les conséquences juridiques d’une absence de contrôle de ma charge de travail par mon employeur lorsque je suis soumis à une convention de forfait ?

Dans l’hypothèse d’une absence de suivi régulier de la charge de travail du salarié, la convention de forfait est annulée et le salarié pourra solliciter le paiement d’heures supplémentaires au-delà de la durée légale de travail. (Cass.soc.19 juin 2019, n°18-11.391).

La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 17 novembre 2021 : « Enfin, la cour d’appel a retenu à bon droit que, la clause de forfait en jours étant nulle, la salariée pouvait prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel de la salariée, et que l’employeur n’était pas fondé à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel. » (Arrêt Cass.soc. 7 novembre 2021 n° 19-16.756).

 

Si je demande l’annulation de ma convention de forfait devant le Conseil de Prud’hommes, comment puis-je démontrer que j’ai travaillé au-delà de la durée légale de travail et que j’ai donc effectué des heures supplémentaires ?

 

L’article L3171-4 du Code du travail rappelle les règles de preuve en matière d’heures supplémentaires, le salarié doit démontrer qu’il a effectué des heures supplémentaires et l’employeur, quant à lui, doit justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Ainsi le salarié pourra produire :

-des agendas avec des tableaux décomptant les heures supplémentaires accomplies

-des échanges de mails tardifs avec les clients, avec les équipes

-des attestations de clients ou collègues de travail qui attestent des rendez-vous tardifs, ou des réunions qui s’éternissaient.

Il faut savoir qu’en matière de preuve d’heures supplémentaires, la jurisprudence a pu considérer que la preuve ne reposait pas sur le seul salarié.

Ainsi, la Cour de cassation a considéré qu’une salariée a censuré une Cour d’appel qui a débouté une salariée de sa demande d’heures supplémentaires alors qu’elle produisait un tableau très précis de ses horaires de travail sur la période considérée.

La Cour d’appel a considéré à tort qu’il n’ y avait pas lieu de faire droit aux demandes de la salariée car elle n’a formé aucune réclamation antérieure et  qu’elle avait contractuellement toute liberté pour s’organiser, et que les témoignages produits ne précisent pas avec exactitude les horaires effectués. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a mis à la charge de la salariée la preuve des heures supplémentaires, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail

Cass. soc., 4 sept. 2019, no 18-11.038 F-D

Par ailleurs, la Cour de Cassation a précisé dans un arrêt récent que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne reposait pas sur le seul salarié :

arrêt du 8 septembre 2021, pourvoi n°20-17.409 :

« Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, de contreparties en repos et d’une indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient que les relevés d’heures établis par l’intéressé et l’une des attestations qu’il produit constituent des éléments suffisamment précis pour étayer la demande. Il relève ensuite, à l’examen des pièces produites par l’employeur, des discordances dans les éléments fournis par le salarié et la circonstance que la réalisation d’une des tâches confiées à ce dernier, la coulée des empreintes, n’avait nécessité aucune heure supplémentaire pour son remplaçant. Il ajoute que ce ne sont pas seulement quelques heures supplémentaires qui sont revendiquées par le salarié, mais, de manière régulière, sur une période de presque trois ans, des horaires de travail toujours identiques impliquant un nombre d’heures supérieur de six heures puis de quatre heures par semaine à la durée du travail contractuellement fixée, alors que l’employeur produit des attestations démontrant que le volume de travail confié au salarié pouvait être réalisé pendant la durée de travail de 39 heures, et que les horaires de travail repris par le salarié dans son tableau comportent manifestement des erreurs et ne sont corroborés que partiellement par une attestation. Il déduit de l’ensemble des éléments produits de part et d’autre que la preuve d’heures supplémentaires non rémunérées n’est pas rapportée.

8. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations, d’une part, que le salarié avait présenté à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre et, d’autre part, que celui-ci n’avait fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. »