Les contrats à durée déterminée sont précaires mais sécurisés durant leur exécution. La contrepartie de la durée déterminée et limitée est que les cas de rupture sont strictement limités par la loi.
L’article L1243-1 du code du travail dispose: « Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. ».
La force majeure est par conséquent un cas de rupture possible du contrat à durée déterminée.
Dans le langage courant, le terme de force majeure n’a pas la même signification que dans le langage juridique, un cas de force majeure est un cas où la responsabilité humaine ne peut être mise en cause.
Aussi, à première vue et sans avoir étudié le droit, on pourrait croire qu’il serait possible de rompre un contrat de travail à durée déterminée à cause de la crise sanitaire où la responsabilité de la personne humaine ne pourrait être mise en cause.
Or, la définition juridique est tout autre et la jurisprudence dans des cas de pandémies n’a pas admis que les contrats puissent être rompus pour force majeure.
Qu’est-ce que la force majeure ?
La force majeure est une notion de droit civil.
Elle est définie à l’article 1218 du Code civil ( sa définition a d’ailleurs était modifiée depuis l’ordonnance du 10 février 2016).
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Les contrats à durée déterminée peuvent-ils être rompus pour force majeure et du fait de cette pandémie ?
La réponse est a priori non mais je ne doute pas que malgré ce non, certainement que certains employeurs ont dû rompre des contrats de travail à durée déterminée pour force majeure pendant le confinement ou après ce dernier.
Si tel est le cas, ces employeurs indélicats s’exposent à un risque « prud’homal ». Le salarié ainsi remercié pourra agir devant le conseil de prud’hommes en invoquant la définition même de la force majeure et la jurisprudence.
Il n’est pas incontestable que sur la première partie de la définition, sur l’imprévisibilité, la pandémie était imprévisible, personne ne l’a prévue ni anticipée.
En revanche, sur la deuxième partie de la définition, à savoir l’irrésistibilité qui est plus d’ailleurs une irréversibilité, elle ne pourra pas s’appliquer pour cette pandémie.
Cela suppose l’absence de parade, de plan B, comme le dit le texte l’empêchement doit produire des effets qui ne peuvent être évités par des moyens appropriés.
Or, le gouvernement ayant mis en place un système d’indemnisation par l’intermédiaire de l’activité partielle, qui bénéficient également aux salariés engagés par contrat à durée déterminée, il sera difficile de faire croire au juge que cette pandémie a empêchée l’exécution du contrat de travail.
Pour finir, les juges du fond ont été très réticents à admettre qu’une épidémie puisse constituer une force majeure:
- Ainsi la Cour d’appel de Nancy a considéré qu’il n’y avait pas de force majeure pouvant justifier la rupture d’un contrat lors de l’épidémie de dingue en Martinique: CA Nancy, 22-11-2010, n° 09_00003, force majeure dingue épidémie
- De même la Cour d’appel de Saint Denis de la Réunion a considéré que la force majeure (épidémie du chikungunya) ne pouvait justifier un licenciement pour motif économique. CA Saint-Denis de la Réunion, SOC, 29-12-2009, n° 08_02114, Force majeure épidémie contrat de travail
Quelle est la sanction des contrats à durée déterminée rompu de manière anticipée abusivement ?
La sanction est sévère pour les employeurs.
L’article L1243-4 du code du travail dispose: « La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8. »
Le deuxième alinéa fait référence à la force majeure à la suite d’un sinistre qui a les mêmes conséquences. (la pandémie n’est pas un sinistre).
La « note » peut être très lourde pour un employeur qui devra parfois payé des dommages et intérêts de plusieurs mois de salaires alors que le salarié n’a travaillé que quelques jours.
Pour le salarié, ces dommages et intérêts importants s’expliquent par le préjudice subi du fait de la perte d’un emploi, d’un contrat qui était censé être sécurisé puisqu’ à durée déterminée.