Nous sommes dé-confinés depuis lundi, le 11 mai 2020. Toutefois la crise sanitaire est encore présente, et nous devons apprendre à vivre avec, à pensez avec le virus et pas encore à l’après, bien malheureusement.

Durant tout le confinement, quelques conseils de prud’hommes organisaient des référés, la plupart étaient à l’arrêt total à cause du manque de moyens financiers et humains (relire mon article sur actu-juridique: Il faut rouvrir d’urgence les conseils de prud’hommes !)

Aucun conseil de prud’hommes n’a organisé de conciliation ou d’audiences au fond.

Pendant ce temps,certains salariés n’ont pas été payés, d’autres devaient travailler alors que les aménagements pour assurer leurs santé et sécurité n’étaient pas réunies, des contrats à durée déterminée ont été rompus d’une manière anticipée pour force majeure et enfin certains salariés qui ont débuté une période d’essai n’ont pas pu la terminer, elle a été rompue sans raison comme le permet le texte.

Ces salariés dont la période d’essai a été rompue en pleine crise sanitaire, durant le confinement ou avant ce dernier, sont les premiers remerciés des entreprises ayant peur de l’avenir ou/et rencontrant des difficultés économiques.

Parfois, ces salariés ont quitté un emploi pour travailler dans cette autre Société qui leur a promis une évolution salariale et des futures augmentations de salaires, un nouveau contrat avec une petite période d’essai juste pour vérifier les compétences professionnelles connues, mais il faut vérifier quand même, simple clause d’usage, traditionnelle, « tout ira bien » prononcera d’une voix rassurante l’employeur à son nouveau salarié à l’essai.

La clause d’usage avec la crise sanitaire se transforme d’une clause utile pour certains employeurs, en une clause utilisée.

Entre un salarié qui travaille pour la Société 15 ans, et un salarié à l’essai, le choix est fait, les difficultés économiques obligent l’employeur à mettre un terme au contrat incertain, à celui qui peut être rompu sans raison et même sans vraiment de formalisme.

On peut comprendre que des difficultés économiques justifient un licenciement en cette période de pandémie. Il est moins compréhensible que ces difficultés justifient des ruptures de périodes d’essai.

En effet, la période d’essai a pour but « d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. » (article L 1221-20 du Code du travail).

Le détournement de finalité de la période d’essai est sanctionné, l’usage de cette période d’essai devient alors abusif.

Aussi, la rupture doit se fonder sur des considérations professionnelles, sur l’aptitude professionnelle des salariés.

La rupture motivée par des difficultés économiques (des motifs non inhérents à la personne du salarié selon le jargon des travaillistes) sera abusive.

Ainsi l’a jugé la Cour de cassation, Chambre sociale, dans un arrêt du 24 novembre 1999: « Mais attendu que si, en principe, chaque partie au contrat de travail est libre de le rompre sans donner de motif pendant la période d’essai, il n’en résulte pas nécessairement que cette rupture ne puisse être fautive ; que la cour d’appel, qui a constaté que la période d’essai avait été rompue, pour des considérations qui n’étaient pas inhérentes à la personne du salarié a caractérisé un abus dans l’exercice du droit de résiliation en cours de période d’essai et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé »

La Cour de cassation a rappelé le 20 novembre 2007 que la rupture de l’essai pour un motif non inhérent à la personne de ce dernier est abusive (Cass.soc.20 novembre 2007, n°06-41.212).

Elle a précisé le 15 novembre 2008 que les juges du fond doivent rechercher si l’employeur a été en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du salarié compte tenu de la durée pendant laquelle ce dernier a exercé ses fonctions (Cass.soc.15 mai 2008, n°07-42.289

Les ruptures de périodes d’essai sont nombreuses en cette période difficile et leur nombre démontre que la rupture est justifiée plus par des motifs économiques que par des motifs liés à la qualité du travail du salarié.

Elles sont très contestables lorsqu’elles ont lieu lors du confinement alors que le salarié a été placé en chômage partiel et ne travaille plus. Si ce dernier venait juste de débuter son travail et a effectué deux jours de travail avant le confinement, il n’existe aucun doute, si la période d’essai a été rompue, c’est parce que l’employeur a anticipé les difficultés économiques et a préféré sacrifié le salarié ayant le moins d’ancienneté au sein de l’entreprise.

Il est dommage que de telles ruptures aient lieu alors que le gouvernement a mis en place la possibilité de placer les salariés en activité partielle pour justement assurer aux employeurs le maintien de leurs emplois.

Il est aussi très risqué de rompre la période d’essai pour ces raisons économiques durant la crise du covid19 puisque la condamnation sera plus importante qu’une condamnation pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts ne sont pas plafonnés.

Ci-dessous, la vidéo publiée aussi sur le site avocats-confinés-et-solidaires maintenant déconfinés.